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Travailleurs inspirants : Jeanette Nyiramasengesho

Jeanette Nyiramasengesho est la présidente du SYTRIECI, un syndicat des travailleurs de l'économie informelle au Rwanda. Depuis son enfance, Jeanette a consacré sa vie à la construction de la solidarité et a été une pionnière dans l'organisation des travailleurs de l'économie informelle dans son pays. Elle est actuellement membre du Conseil international de StreetNet consacré au leadership des femmes et encourage fortement les jeunes à s'impliquer davantage dans la lutte collective pour les droits des vendeurs de rue.

Grandir en apprenant la solidarité

Jeanette vit à Kigali, la capitale du Rwanda, avec ses quatre enfants – trois garçons et une fille – et son mari. Elle a 42 ans et possède un parcours impressionnant en matière de défense des droits des travailleurs de l’économie informelle.

Jeanette est la deuxième aînée d'une famille qui compte six filles et trois garçons. La famille est déjà nombreuse, mais son père, pasteur, a adopté huit autres enfants issus de milieux défavorisés, notamment ceux devenus orphelins après le génocide rwandais de 1994.

Jeanette a donc passé son enfance entourée d’une famille nombreuse et aimante. Son père était un modèle qui lui a appris la solidarité et l’entraide. Il a créé des associations, des écoles et des paroisses dans tout le Rwanda et Jeanette a commencé à l’aider dans son travail dès son plus jeune âge. « J’ai commencé à l’aider à ma petite échelle », explique-t-elle.

Après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé comme enseignante pendant deux ans, puis est devenue comptable du lycée où elle enseignait. Là, elle a eu l'occasion de travailler avec des enfants pendant de nombreuses années, mais Jeannette voulait quelque chose de plus. Elle s'est mariée entre-temps et a décidé de retourner à l'université, où elle a obtenu une licence en sociologie.

À la découverte des luttes des femmes dans l’économie informelle

Après avoir obtenu son diplôme en sociologie, Jeannette a eu du mal à trouver un emploi. Elle avait quitté son poste de comptable à l'école pour poursuivre des études supérieures, mais elle ne parvenait plus à trouver d'autre emploi.

Jeanette voulait travailler pour aider sa famille. « Même si mon mari avait un emploi, en tant que femme, j’ai pensé qu’il était nécessaire que je contribue également », dit-elle. Elle a donc décidé, comme beaucoup d’autres femmes dans le monde, de se tourner vers l’économie informelle et de commencer à vendre des marchandises sur le marché.

Elle est devenue vendeuse sur le marché pendant deux ans. C'est à cette époque que Jeanette a rencontré pour la première fois des centaines d'autres vendeuses de rue et qu'elle a découvert à quel point elles souffraient.

Un jour, alors que Jeanette avait déjà arrêté de travailler dans l’économie informelle, une vendeuse est venue chez elle.

« Ici, au Rwanda », explique Jeanette, « de nombreux commerçants informels font du porte-à-porte pour vendre leurs marchandises. Un jour, une femme est venue chez moi et m’a demandé d’acheter quelque chose. J’ai remarqué qu’elle avait avec elle un bébé d’une semaine. C’était terrible. Je lui ai demandé de me raconter son histoire, car je ne pouvais pas imaginer comment une femme avec un si petit enfant pouvait vendre partout ».

Le mari de cette femme l’avait abandonnée avec un autre bébé alors qu’elle était enceinte. Ils n’avaient pas de maison, alors elle a été obligée de se rendre dans la rue pour chercher de la nourriture pour ses enfants. « Quand je l’écoutais, j’avais peur. Quand je travaillais au marché, j’entendais beaucoup d’histoires, mais celle-ci m’a touchée, alors j’ai décidé de voir comment je pouvais l’aider. J’ai acheté ce dont elle avait besoin, mais ce n’était pas la solution. Je me suis demandée : que puis-je faire pour ces femmes qui vendent dans la rue, qui souffrent, qui sont abandonnées par leurs maris avec enfants ? ».

En tant que sociologue de formation, cette question ne quittait pas l'esprit de Jeanette. Elle a décidé d'arrêter de chercher un autre emploi et de consacrer son temps et son énergie à soutenir ces femmes vendeuses de rue.

Créer un syndicat des travailleurs de l'économie informelle

Jeanette a appelé la vendeuse de rue qui lui avait raconté son histoire et lui a dit d’amener plus de femmes. Elle a commencé à organiser des réunions dans ses appartements. De nombreuses femmes sont venues – Jeanette n’aurait pas pu imaginer qu’elles soient aussi nombreuses.

Elle s’est assise avec elles et leur a demandé d’expliquer, une par une, quels étaient leurs problèmes et de voir si elles pouvaient trouver des solutions ensemble. En voyant le grand nombre de femmes réunies, Jeanette a pensé qu’elles pourraient essayer de créer une structure formelle, mais elle ne savait pas trop quel type de structure elle devait choisir : une association, une coopérative ? Elle s’est renseignée sur Internet et a compris que, compte tenu des besoins et des revendications des femmes, un syndicat serait plus adapté.

Jeanette a suggéré aux femmes de commencer à s’organiser en groupes. « Je leur ai dit que nous allions créer un syndicat, ce qui nous aiderait à exposer nos problèmes et à contacter les autorités. » Pourtant, elle savait que ce ne serait pas facile. Au Rwanda, comme dans de nombreux pays, les travailleuses de l’économie informelle ne sont pas facilement acceptées.

Mais Jeanette et ses camarades ont continué. Ils ont rédigé un règlement et une constitution et ont obtenu les documents nécessaires pour se constituer en syndicat des travailleurs indépendants de l'économie informelle. [Syndicat des Travailleurs Indépendants de l'Economie Informelle] – SYTRIECI.

Bien que le syndicat ait été créé par des femmes, de nombreux hommes ont fini par y adhérer. Le SYTRIECI a commencé à se rapprocher des autorités et à faire entendre ses revendications, en demandant sa reconnaissance. « Nous avons réussi à obtenir des amendements à la loi sur les travailleurs de l’économie informelle », explique Jeanette, « parce que nous étions là pour exprimer nos revendications ».

Le syndicat a été créé par des vendeurs de rue et des vendeurs de marché, mais il a ensuite pris de l’ampleur pour inclure d’autres secteurs de l’économie informelle. Selon Jeanette, ce sont les représentants du gouvernement qui l’ont encouragée à s’adresser aux travailleurs domestiques, qui n’avaient pas d’association à l’époque. « J’ai accepté, car j’ai commencé à voir qu’il y avait de nombreux types de travailleurs de l’économie informelle qui n’étaient pas organisés. Et aussi parce que de nombreux vendeurs de rue avaient été des travailleurs domestiques avant et ont commencé à vendre après avoir perdu leur emploi. » C’était une bonne stratégie d’impliquer différents secteurs et de commencer à travailler ensemble.

Rejoindre StreetNet International

Jeanette a découvert l'existence de StreetNet sur Internet et a souhaité entrer en contact avec l'organisation. Elle a été invitée par le coordinateur international fondateur, Pat Horn, à une réunion en Tanzanie, où Jeanette a eu l'occasion de présenter SYTRIECI et de demander son affiliation à StreetNet. Après avoir suivi la procédure requise pour que l'organisation devienne membre, SYTRIECI s'est affiliée à StreetNet en 2015. Ce fut une excellente nouvelle pour l'organisation.

« Je ne peux pas exprimer à quel point nous étions heureux », se souvient Jeanette. « Lorsque nous l’avons annoncé à nos membres, ils étaient si heureux, pleuraient et applaudissaient ».

En 2016, le SYTRIECI a participé à la 5th Congrès international en Inde. Elle a appris qu’il était possible de postuler pour devenir membre du Conseil international et a décidé de le faire. Elle a été élue. « Cela m’a fait beaucoup de bien », dit-elle. Jeanette était reconnaissante du fait que le nombre d’années d’adhésion n’était pas le facteur décisif pour les élections, mais plutôt les idées et les activités. « Ils ont pensé que je pouvais apporter ma contribution par mes efforts, même si nous (SYTRIECI) étions un très jeune membre de StreetNet », ayant rejoint l’association l’année précédente.

Pour Jeanette, être en contact avec d’autres syndicalistes, militants et travailleurs de l’économie informelle de différents pays est une expérience enrichissante. Elle remercie également Pat Horn, coordinateur fondateur de StreetNet, et Oksana Abboud, coordinatrice internationale actuelle, de l’avoir encouragée à poursuivre ses activités d’organisation des travailleurs de l’économie informelle au Rwanda.

« Je regarde toujours ce dont nous avons besoin, quels sont nos objectifs. Quand j’ai vu les objectifs de StreetNet et la façon dont ils aident les associations et les syndicats de travailleurs de l’économie informelle et que j’ai vu l’expérience, cela m’a encouragé à poursuivre mes activités au niveau national et à apporter ma contribution au niveau international. »

Jeanette a été réélue dans le 6th Congrès international au Kirghizistan et en est actuellement à son deuxième mandat en tant que membre du Conseil international.

L’importance des femmes dirigeantes

C'est la situation critique des vendeuses de rue qui a poussé Jeanette à consacrer sa vie aux travailleurs de l'économie informelle. Elle a maintenant des années d'expérience à la tête d'une organisation nationale. Il n'est donc pas étonnant que Jeanette apprécie le leadership des femmes et leur capacité à comprendre les problèmes qui touchent les travailleurs vulnérables et à trouver des solutions.

« Les femmes sont le pilier », explique-t-elle. « Une femme doit être forte, participer et apporter des solutions aux problèmes familiaux et sociétaux. Éloigner les femmes du leadership revient à détruire votre développement. Une femme peut apporter de nombreuses contributions positives. Et nous sommes capables d’accomplir davantage. »

Au Rwanda, les femmes sont bien représentées au gouvernement et au parlement. Pour Jeanette, il est donc naturel de voir des femmes prendre les devants, et elle est heureuse de voir que StreetNet valorise et encourage le leadership des femmes de la même manière. Pour Jeanette, il est particulièrement important de reconnaître la résilience des femmes qui travaillent dans l'économie informelle.

« Ce n’est pas facile de vendre dans la rue, de ne pas avoir de stabilité. Cela demande beaucoup d’efforts de la part des femmes. Lorsque les associations sont dirigées par elles, il est facile de comprendre les problèmes et elles peuvent apporter des solutions. Même lorsque les femmes ne sont pas instruites, elles font toujours des efforts pour subvenir aux besoins de leur famille », déclare Jeanette. « Dans StreetNet, nous voyons que les femmes peuvent apporter quelque chose de spécial à l’économie informelle. Parce que toutes ces femmes travaillent dur pour subvenir aux besoins de leur famille ». Jeanette ajoute que les femmes jouent un rôle clé pour changer la société et contribuer à la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle.

Conseils aux jeunes organisateurs de travailleurs de l’économie informelle : « Il faut connaître et écouter les travailleurs »

Lorsqu’on lui demande ce que Jeanette conseillerait aux jeunes organisateurs de travailleurs de l’économie informelle, elle répond catégoriquement que le plus important est d’écouter, de comprendre les problèmes en s’asseyant et en étant avec les travailleurs eux-mêmes.

« Il n’est pas facile d’organiser les travailleurs de l’économie informelle », prévient-elle. « Il faut être sur le terrain. On ne peut pas avoir une approche descendante ». Pour Jeanette, il est également important de garder à l’esprit les difficultés auxquelles les travailleurs de l’économie informelle sont confrontés au quotidien. « Parce que ces travailleurs ont beaucoup souffert et que, dans de nombreux pays, ils ne sont pas acceptés, ils sont confrontés à de nombreux défis, notamment psychologiques et financiers. Il faut avoir les compétences pour s’organiser et il faut aussi avoir une passion pour cette activité ».

Jeanette encourage fortement les jeunes à prendre les devants. « Il y a des milliers de travailleurs dans l’économie informelle qui ne sont pas organisés, j’encourage donc les jeunes à ne pas avoir peur et à créer des associations. Cela nous permettra de passer de l’économie informelle à l’économie formelle conformément à la R04 de l’OIT. Nous avons besoin que la jeune génération s’organise. J’encourage tous ces jeunes à faire des efforts. Même si c’est compliqué, c’est possible. »

Jeanette continue de travailler pour les objectifs du SYTRIECI, aux côtés de ses camarades au niveau national et international. Pour elle, c’est devenu une mission de toute une vie. « Se battre pour les droits des travailleurs de l’économie informelle n’est pas facile », déclare-t-elle. « C’est une passion. Quelque chose qui vient de l’intérieur. Et c’est ce que j’ai décidé de faire ».

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